Rapport de mois d'avril 2025, sur les violations des Droits Humains dans l'Azawad.

RAPPORT N°04/MHB/2025

Période : Mois de Avril

Date : le 1^er Mai 2025

Introduction

L’Association Kal Akal, observatoire de veille citoyen dédié à la défense des droits humains en Azawad, œuvre inlassablement pour la promotion de la justice, de l’éducation, du développement local, de la cohésion sociale et de la préservation de la culture. Sa mission principale reste la protection des droits fondamentaux des populations de l’Azawad.

Dans un contexte marqué par un conflit persistant, où les civils sont victimes de massacres, de destructions culturelles et de pertes de moyens de subsistance, Kal-Akal s’engage à documenter de manière rigoureuse les violations des droits humains. Ces atteintes sont majoritairement perpétrées par les mercenaires du groupe Wagner, soutenus par l’armée de la junte malienne, mais aussi par divers groupes armées.

Grâce à un réseau de points focaux répartis à travers tout le territoire de l’Azawad, l’association recueille des témoignages, des preuves et des informations détaillées provenant des victimes, de leurs proches ou de témoins anonymes. Ces éléments ; incluant dates, lieux, identités des auteurs présumés, moyens employés et parfois des images, alimentent le travail de documentation en vue de traduire les responsables de ces crimes en justice.

Ce rapport mensuel fait le point sur l’évolution des violations des droits de l’homme commises contre les civils et leurs biens en Azawad, et dans une certaine mesure, dans le centre du Mali. Il documente les exactions perpétrées principalement par les mercenaires russes du groupe Wagner, accompagnés de l’armée de la junte malienne, ainsi que par les groupes armées IEGS.

CHRONIQUE DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS EN AZAWAD :

Le mois d’avril 2025 a connu une intensification dramatique des atteintes aux droits humains dans plusieurs régions de l’Azawad. Les Forces armées maliennes (FAMa), appuyées par les mercenaires du groupe Wagner, ainsi que les groupes armée tels que l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), ont multiplié les actes de violence ciblant les populations civiles.

I. EXÉCUTIONS SOMMAIRES ET MEURTRES CIBLÉS : +87 cas confirmés. : 7 à l’Azawad et plus de 80 au centre du Mali.

La spirale de la violence a entraîné la perte tragique de plusieurs vies civiles :

Le 11 avril 2025, à Zarho Tadoumoumt (région de Gao), le berger Offene Ag Med Alkher a été exécuté par une patrouille FAMa-Wagner. Son bâton et sa corde ont été retrouvés près de sa sépulture, attestant de son exécution sommaire.
Le 13 avril 2025, Ahmadou Ag Mohamed, surnommé « Folley », a succombé à ses blessures à Tekankante, suite à l’explosion d’un engin explosif improvisé (EEI) installé par des éléments Wagner et FAMa.
Le 22 avril 2025, lors d’une frappe de drone malien sur le marché de bétail de Talahandak, deux civils innocents ont trouvé la mort.

Ce bombardement a également causé de graves destructions matérielles et fait un blessé grave.

L’association Kal-Akal exprime sa profonde indignation face aux violences perpétrées contre la communauté peule le 12 avril 2025 dans le village de Sebabougou, situé dans le cercle de Diéma, région de Kayes. Selon des témoignages recueillis sur place, plus de 200 personnes ont été arrêtées par des forces censées assurer leur sécurité. Après plusieurs jours de détention, 66 d’entre elles ont été relâchées, puis 54 supplémentaires. Le reste des détenus aurait malheureusement été exécuté, selon des sources locales concordantes.

II. ARRESTATIONS ARBITRAIRES, ENLÈVEMENTS ET DISPARITIONS FORCÉES : 47 cas confirmés

Le mois d’avril 2025 a été marqué par une recrudescence alarmante d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées, visant notamment des civils sans lien apparent avec les combats. Nous évoquerons ci-dessous certains de ces cas.

Le 1er avril 2025, à Kidal, Kanani Ag Gagui a été arrêté par des mercenaires Wagner au poste de contrôle d’Intidban, après fouille de son téléphone.

Le 2 avril 2025, le préfet d’Ansongo a été enlevé par des groupes armés terroristes à environ 30 km d’Ansongo, alors qu’il se dirigeait vers Gao. À ce jour, il demeure introuvable.

Le même jour, à Lellehoye Haoussa (Ansongo), des individus armés ont enlevé un troupeau de bétail à proximité immédiate d’une garnison militaire et ont violemment passé à tabac les bergers.

Le 11 avril 2025, lors d’une opération de grande ampleur à Zarho, 12 civils ont été arrêtés, parmi lesquels des bergers, un commerçant, un imam réputé et deux malades mentaux

Trois civils ont également été blessés lors de cette descente brutale :

Le 12 avril 2025, à Tombouctou, 20 civils ont été arbitrairement arrêtés à Zarho, tandis que trois autres ont été grièvement blessés.

Le 26 avril 2025 :

À Gao, trois jeunes Touaregs de la communauté Idnane ont été arrêtés.
- À Anniya (région de Tombouctou), six civils ont été arrêtés, dont Mahamad et son fils Akhandor Ag Mahamad.

III. PILLAGES SYSTÉMATIQUES ET DESTRUCTIONS MASSIVES DE BIENS CIVILS / VIOL : 10 incidents majeurs

Le mois d’avril 2025 a été émaillé de nombreux cas de pillages systématiques, d’extorsions violentes et de destructions de biens civils, perpétrés principalement par les Forces armées maliennes (FAMa), leurs alliés mercenaires du groupe Wagner, ainsi que par les groupes terroristes opérant dans la région.

L’une des exactions les plus graves s’est produite le 19 avril 2025 à Amasarakad, dans la région de Gao. Une patrouille conjointe FAMa-Wagner et des milices locales ont fait irruption dans cette localité, procédant à la confiscation de l’ensemble des stocks de carburant des commerçants. Cette extorsion massive a entraîné une flambée des prix des produits de première nécessité, aggravant dramatiquement les conditions de vie déjà précaires des populations civiles.

De même, le 21 avril 2025, au marché de Djebock, les mercenaires de Wagner accompagnés d’éléments des FAMa ont arrêté plusieurs commerçants d’essence. Après avoir confisqué leur essence et leur gasoil, ils ont chargé les marchandises dans des véhicules militaires avant de les transférer de force vers la ville de Gao.

Parallèlement, le 22 avril 2025, l’axe routier reliant Gao à Intahaka a été le théâtre d’actes de brigandage : des éléments de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) ont intercepté des civils, pillé un véhicule et une moto, détruit un autre véhicule, et dépouillé tous les passagers de leurs biens.

Dans un autre incident particulièrement préoccupant survenu également le 22 avril 2025, deux véhicules de transport civil en provenance de Borj ont été interceptés par un important convoi militaire à proximité de Tinaouker. Les chauffeurs civils ainsi que leurs véhicules ont été saisis sans justification officielle, soulignant encore l’usage généralisé de l’extorsion.

Par ailleurs, le 22 avril 2025, lors d’une frappe de drone malien sur le marché de bétail de Talahandak, non seulement deux civils ont été tués et un autre gravement blessé, mais trois véhicules civils ont également été lourdement endommagés.

À noter également qu’une incursion armée de combattants affiliés à l’État islamique a eu lieu le 23 avril 2025 dans les campements nomades de Samete et Ahina, où des violences contre les civils ont été rapportées et un nombre important de têtes de bétail a été emporté.

Le 12 Avril Tiguirrit El Atta (Ménaka) : Une femme a été condamnée par l’État islamique à une amende de 250 000 FCFA pour non-port du niqab.

Ces faits, graves par leur ampleur et leur fréquence, démontrent que les actes de pillage et de destruction massive visent non seulement à appauvrir les populations, mais aussi à installer un climat de terreur économique empêchant toute résilience sociale ou économique.

Enfin, aucun cas documenté de viol n’a été rapporté au cours du mois d’avril 2025. Toutefois, la nature systémique des violences économiques et physiques exercées contre les civils demeure une violation manifeste du droit international humanitaire.

IV. DÉGRADATIONS ENVIRONNEMENTALES ET ATTEINTES À LA NATURE : 2 cas majeurs confirmés

Le mois d’avril 2025 a vu également des atteintes graves aux ressources naturelles et aux équilibres environnementaux locaux, conséquences directes des opérations militaires et de la politique de terreur imposée aux populations rurales.

Nuit du 28 au 29 avril Axe Léré-Larneb : Des éléments FAMa-Wagner ont incendié volontairement plusieurs hectares de pâturages. Ces feux ont gravement compromis la subsistance des éleveurs dépendants de cette zone pour le nourrissage du bétail.
22 avril – Talahandak : Une frappe de drone malien a non seulement causé la mort de civils. Le feu a également touché des abords du marché de bétail, affectant la faune domestique et l’environnement local.

V. CONSÉQUENCES HUMANITAIRES :

L’insécurité persistante, les arrestations arbitraires, les pillages de ressources et les frappes indiscriminées continuent d’accentuer la vulnérabilité des populations civiles. L’effondrement des services de base (communication, carburant, marchés) pousse de plus en plus de familles vers la fuite ou le désespoir.

CONCLUSION

Un appel solennel à l’action internationale face à la gravité et à la systématicité des violations documentées, l’Association Kal-Akal en appelle une fois encore à la communauté internationale afin qu’elle :

Protège les civils de l’Azawad ;
Poursuive les responsables des crimes commis ;
Garantisse un accès humanitaire sécurisé et sans entrave aux zones affectées.

Kal-Akal appelle également les organisations de défense des droits humains, et les partenaires du Mali à faire pression pour que ces violations graves soient reconnues, documentées et sanctionnées, dans le respect des droits fondamentaux.

Kal-Akal poursuivra inlassablement sa mission de documentation, d’alerte et de plaidoyer pour que cessent ces atrocités et pour que justice soit rendue aux victimes.

Quelque images des crimes